Un peu plus qu’une bible
Dans de nombreuses familles, l’état civil des protestants est inscrit sur les pages de garde des bibles de chaque assemblée protestante. Une des bibles de Genève découverte dans le fonds du grand séminaire de Viviers des Archives départementales de l’Ardèche et datée de 1650 imprimée par Samuel Chouet comporte des notes manuscrites d’état civil sur les pages de garde au début et à la fin de l’œuvre. À travers ces notes, on a pu identifier des dates comme celles du mercredi 13 novembre 1680, du 4 février 1683 mais également l’année 1684 ainsi que le 18 décembre 1685. À ces dates sont ajoutées des noms : Izabelle et Jacques de Sautel accompagnés de Margueritte d’Aurenche ont présentés au baptême, leur fils et filleul : Pierre. Plusieurs ministres protestants ont officié pour la famille Aurenche : François La Valette, Isaac Meyssonier et David Gervais. Ces notes manuscrites qui auraient été écrites à posteriori retracent le parcours d’une famille dont les enfants ont été baptisés mais également le service, l’activité d’un des ministres de l’église protestante ardéchoise. Cela témoigne d’un besoin de rendre légitime tout acte posé au sein de leur religion.
La famille s’est convertie au catholicisme à partir de 1685, date de la révocation de l’Edit de Nantes. Un des pasteurs : Isaac Meyssonier s’étant également converti à l’Eglise de Rome. On peut supposer que c’est par ce biais que la bible s’est retrouvée conservée dans la bibliothèque du Grand séminaire de Viviers.
C’est grâce aux recherches d’un descendant de la famille Aurenche, que ces derniers éléments nous sont connus. Qu’il en soit remercié ici.
Une bibliothèque chargée d’histoire
En 1650, alors qu’il se rend compte des insuffisances des homélies de ses curés et de la montée du mouvement protestant, l’évêque de Viviers, Monseigneur de Beaume de Suze, aidé de M. Olier, fondateur de la congrégation des Sulpiciens, décide de créer le Grand Séminaire de Viviers. Mgr de Beaume de Suze fait alors don de tous ses livres au séminaire, ce qui constitue la base même de la bibliothèque du Grand Séminaire de Viviers.
Ce n’est que bien plus tard, après des périodes de tensions qu’est nommé Régis Vernet à la tête du séminaire en 1806. Régis Vernet participe lui aussi à l’enrichissement de la bibliothèque du séminaire en rachetant les ouvrages qui ont été confisqués pendant la Révolution française mais aussi en pensant à son aménagement. Cette bibliothèque qui n’a pu s’accroitre qu’à l’aide de dons et legs de bibliothèques entières, compte dans son fonds de nombreux livres religieux notamment des bibles aussi bien catholiques que protestantes, des recueils de sermons, etc., mais également des livres d’histoire, de sciences destinés au seul usage des enseignants du séminaire. Les pensionnaires n’y avaient nullement accès. Le chanoine Lucien de Contagnet qui était chargé d’établir des catalogues de ce qu’il appelait « bonne lecture » a également contribué à l’accroissement de ce fonds en léguant peu de temps avant sa mort en 1881 sa collection personnelle de livres évaluée à un peu plus de 30 000 œuvres.
La loi de séparation des Églises et de l’État en 1905, contraint le Grand Séminaire de Viviers à fermer ses portes. En effet, le Grand Séminaire va être vendu et sa bibliothèque confisquée, elle est passée sous séquestre de l’État et lui a valu la perte d’environ 3 500 volumes de sa collection en 1907, au profit des Archives départementales. Les travaux de l’archiviste départemental André et de son successeur ont permis de mettre en lumière la richesse de ce fonds dans lequel on a pu retrouver des incunables, trésors qui marquent les premières heures du livre imprimé.