Quand les fonctionnaires et les chefs de service allaient à la messe...

Voir toutes les images (3)

C’est le reclassement d’archives de la préfecture qui vient rappeler que la naissance de la IIIe République avait relancé le combat sur la laïcisation de nos institutions. Et coïncidence, alors que nos parlementaires ont rejoint les hémicycles début janvier, ces documents révèlent un épisode méconnu sur le cérémonial de la rentrée parlementaire à cette époque.
Après la chute du Second Empire et la proclamation de la République le 4 septembre 1870, avec le triomphe des monarchistes et des conservateurs aux élections législatives et l’écrasement de la Commune en 1871, l’État et l’Église restent fortement liés. En témoigne l’article 4 de la nouvelle loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, l’une des trois lois qui fondent la IIIe République. Il dispose que le dimanche qui suivra la rentrée parlementaire du Sénat et de la Chambre des députés, des prières publiques seront adressées à Dieu dans les églises et les temples « pour appeler son secours sur les travaux des assemblées ». Dans chaque département, le préfet, l’évêque et le président du consistoire (lorsque le culte protestant est présent) reçoivent des instructions ministérielles à cet effet.

Le préfet transmet ses instructions aux chefs de service, sous-préfets et maires. Il enjoint de convoquer les fonctionnaires et les autorités militaires à se rendre aux cérémonies religieuses : « J’ai l’intention d’assister à cette cérémonie, [et] je verrai avec plaisir que vous y assistiez également avec messieurs les fonctionnaires placés sous vos ordres. »

À Privas, le rassemblement se fait à la préfecture. Sous l’autorité du préfet, le cortège se dirige vers l’église paroissiale, selon un ordre protocolaire et précédé d’un détachement militaire. Les ordres donnés laissent peu le choix aux fonctionnaires sur leur participation et tout incident devra être rapporté à l’autorité supérieure.

Mais une rupture fondamentale se produit après la victoire des républicains en 1879. Les années 1880 sont marquées par plusieurs lois sur la laïcisation de l’enseignement, des cimetières ou encore la liberté des funérailles.
Dès lors, la formulation de l’invitation préfectorale évolue : « Le Gouvernement verrait avec plaisir messieurs les fonctionnaires et chefs de services, déférer au vœu de la loi en assistant à cette cérémonie […] » en « si vous désirez vous joindre à moi […] ».
Lors de la révision constitutionnelle du 14 août 1884, les républicains voulant supprimer tous les ferments monarchiques contenus dans la constitution, un amendement supprime les prières publiques dans l’article 4. Le dossier « prières publiques » à la préfecture est définitivement clos.