Pendant la Seconde Guerre mondiale, quand le contrôle postal intercepte les lettres d'un soldat allemand épris de sa « petite Paulette chérie »
Les périodes de guerre sont encore plus propices à la surveillance des populations, comme pendant la Seconde Guerre mondiale avec la création de la commission du contrôle postal et téléphonique, qui apparaît en 1939 à Privas sous la IIIe République. Son activité perdure sous Vichy ; elle est encore à la Libération lorsque les résistants prennent le contrôle de la préfecture le 12 août 1944. Maintenu par le Gouvernement provisoire, le contrôle est supprimé définitivement en juin 1945.
Outre l'écoute des lignes téléphoniques privées et publiques encore peu développées en Ardèche, le contrôle consiste à ouvrir en moyenne 7 000 lettres par mois de façon aléatoire pour mesurer l'état de l'opinion. Il est aussi un outil au service du gouvernent pour réprimer le marché noir et les opposants au régime, tel cet échange entre un pasteur protestant et un correspondant en Suisse, soupçonné d'organiser un réseau pour exfiltrer des enfants juifs. Dans ce cas, les lettres censurées n’atteignent jamais leur destinataire et déclenchent une enquête de police.
À l'approche de la Libération et depuis les revers des troupes allemandes dès 1943, on suppute sur la prochaine défaite nazie, jusqu'à souhaiter la victoire alliée. Les lettres interceptées sont néanmoins acheminées à leur destinataire avec un avertissement : « votre correspondant est trop bavard ». La censure révèle aussi que le tournant de la guerre, surtout après les débarquements de Normandie et de Provence et les opérations de la résistance, sont source d'angoisses pour des citoyens et autres soutiens du régime finissant.
Au milieu de cette correspondance, reflet sombre de son temps, émerge une histoire d'amour prise dans les « filets » de la censure en août 1944. On y trouve sept lettres écrites par Bruno, soldat allemand en pleine retraite avec son unité depuis le débarquement de Provence et quelque part dans l'Yonne. La destinataire est Paulette employée à l’asile Sainte-Marie à Privas, alors transformé en hôpital militaire allemand. L'histoire ne dit pas comment la rencontre s'est faite. C'est bien ce qui préoccupe le censeur des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), qui depuis le départ des troupes allemandes le 12 août 1944, poursuit le contrôle postal en lieu et place des autorités de Vichy. Paulette risque l'arrestation. Pourtant d'une banalité, cette histoire provoque une enquête qui se termine, en octobre 1944, par la clôture de l'affaire, les protagonistes étant introuvables. Restent les lettres de Bruno jamais lues par Paulette, conservées dans les archives de la préfecture.