1974-2024 «Les femmes gagnent du terrain dans la vie de la Nation. Les hommes finiront bien par l’admettre.»
De la clause de conscience au libre choix de l’intéressée, 50 ans après
En Ardèche, des réunions-débats sont organisés sur la contraception et l’avortement, pendant l’année 1974 avec le Mouvement français pour le planning familial : le 1er mars à Annonay, le 8 mars à Tournon, le 14 mars à Privas, et le 3 décembre à la mairie de Privas1. Le directeur départemental des polices urbaines de l’Ardèche informe le préfet de la pose d’affiches dans la nuit du 27 novembre à Privas, et de la distribution de tracts à Aubenas appelant des militants à se rendre à Romans pour soutenir les personnes interpellées lors d’un avortement.
Dans un contexte de fortes résistances, ces revendications aboutissent à un compromis politique qui devait empêcher la mortalité liée aux avortements clandestins, stopper les contestations et répondre aux inquiétudes démographiques et morales. La loi Veil, votée le 20 décembre 1974 (277 pour et 192 contre), autorise l’avortement en fonction de l’accord du corps médical qui assure donc le contrôle social de la procréation. La clause de « détresse » laissé à la décision de la femme est corrigée par la clause de « conscience » des médecins qui peuvent refuser d’accomplir cet acte qu’ils considèrent contraire à leur morale.
La loi Veil ne fait donc pas de l’IVG un droit à part entière : « L’avortement doit rester l’exception, l'ultime recours pour des situations sans issue […] », assure Simone Veil. C’est seulement en 2014 que les parlementaires suppriment le motif de détresse dans la loi. Ainsi, l’avortement d’abord pensé comme un droit encadré, est désormais pensé comme un choix dont l’intéressée n’a pas à se justifier. Depuis le 8 mars 2024, la liberté de recourir à l’IVG est inscrite dans la Constitution de 1958.
Vers une r-évolution culturelle ? Et si on parlait des hommes…
Tout en libérant les femmes de grossesses non désirées, la diffusion de la contraception induit une « norme contraceptive » qui définit les bonnes pratiques de régulation des naissances, l’IVG devenant un recours en cas d’échec de contraception et par conséquent toujours stigmatisant pour les femmes. L’avortement dont on ne parle qu’en coulisse, est jugé, il renvoie les femmes à leur irresponsabilité et donc à un sentiment de culpabilité.
La norme contraceptive modifie ainsi la norme procréative : un enfant doit être désiré, par un couple stable, pas trop tôt, pas trop tard, sinon les grossesses sont critiquées comme étant « précoces » ou « à risque ». Cette liberté offerte aux femmes de choisir ou non la maternité, les oppresse, elles doivent être des mères idéales et de ne pas échouer dans leur contraception.
Or, la société est dans le déni des évolutions de la vie sexuelle des femmes qui s’est rapprochée de celle des hommes. Les méthodes de contraception normatives ne sont plus adaptées et les femmes se retrouvent face à une injonction : avoir une sexualité épanouie déconnectée de la procréation et en même temps envisager une sexualité conjugale pour fonder une famille, condition de la réussite de leur vie.
Historiquement et culturellement, la contraception incombe aux femmes. Mais la pilule contraceptive masculine, encore à un stade expérimental, pourrait peut-être permettre de répondre à l’enjeu sociétal qui concerne l’« égalité femme-homme ». La contraception partagée pourrait-elle participer à cette r-évolution culturelle toujours en cours ? « Messieurs encore un effort…1 ».