GéoHistoire des vallées d'Eyrieux et d'Ouvèze à l'an Mil.

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Du Xe au XIe siècle, de leur mise en place à leur démembrement, les circonscriptions administratives carolingiennes (dénommées ager, arx, mais le plus souvent vicaria) ont assuré un rôle territorial certain. Même si leur fonctionnement est méconnu, leur influence est pourtant perceptible, ce qui questionne sur le rôle qu'elles ont joué dans l'organisation sociale et territoriale du temps.

La vicairie (vicaria) est alors le référent spatial le plus utilisé pour localiser les villa (terroirs) qui les compose. Une vingtaine de ces circonscriptions de superficie très diverses mais recouvrant un territoire homogène sont attestées en Vivarais. On leur prête des fonctions publiques (judiciaires et fiscales) issues de la délégation du comitatus (pouvoir du comte). Or, la confiscation de ce dernier par l'évêque de Viviers implique un rapport étroit entre cette administration locale et l'Eglise, et donc avec la constitution du diocèse.

Dans les vallées d'Eyrieux et d'Ouvèze, on retrouve cinq de ces entités : en Ouvèze, la vicaria Albanense (Saint-Alban, Saint-Julien-en-Saint-Alban) ; en Eyrieux les vicaria Calanconense (Chalencon) et Rueisense (Royas, Saint-Laurent-du-Pape) ; sur le pourtour, la vicaria Pratellense (Pranles) etl'agro Vernumense (Vernoux). Ces chefs-lieux sont tous implantés sur des axes de communication et sont probablement liés à une église primitive. Récemment mis en valeur, cet espace était loin d'être sous-administré au Xe siècle !

 

Passé l'an Mil, ces circonscriptions déclinent au profit de nouvelles structures d’encadrement : le château et la paroisse. La vicaria devient un droit de justice exercé par un seigneur. Si certains des premiers châteaux sont bâtis au chef-lieu même (Chalencon, Saint-Alban), leur situation, souvent en périphérie du réseau vicarial (Gluiras, Montagut, Ajoux) démontre un effet centrifuge. Sur ces territoires disloqués, les anciens chefs-lieux conservent un rôle religieux, mais leur devenir diverge : si Chalencon fleurit, Royas périclite.

L'espace de la vicaria a cristallisé les relations économiques, juridiques et sociales des communautés rurales et a été acteur et témoin du passage de la villa au village médiéval de l'église primitive à la paroisse. La rareté des textes et des recherches (seul le château de Chalencon est fouillé) incite à la poursuite de l'étude. Car, en définitive, que sait-on vraiment sur la nature et les fonctions de la vicairie ?

Jean-Claude Courtial, enseignant d'histoire-géographie au collège du Sacré Coeur à Privas.