Femmes, séductions, amours, sexes et trahisons
Les déclarations de grossesses : un outil chrétien d’aide dans des relations sexuellement asymétriques
Un édit de 1556 met en place les déclarations de grossesse. Il s’agit d’abord d’une procédure pour réclamer justice à l’encontre des séducteurs ou pour leur faire reconnaître la paternité et non d’un outil de répression envers les mères infanticides. À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, cet outil s’avère relativement inefficace.
Le bas Vivarais est une terre pauvre, l’origine géographique et sociologique des parents atteste d’une société modeste et agricole. L’arrivée d’un enfant bouscule des vies et leur équilibre économique précaire, puisque soixante-douze déclarantes sur cent quatre-vingts sont des servantes. Ces dernières sont trahies par leur corps, et les moyens de contraception archaïques et obscurs. L’Église souhaite ardemment endiguer la mort des enfants illégitimes en contraignant les jeunes gens à se marier.
La séduction et son encadrement : un pouvoir féminin qui fluctue
Les déclarations de grossesses sont des démarches entreprises par les femmes devant les tribunaux, et permettent d’entrer dans le non-dit de la sexualité. Les lieux et les périodes des rencontres charnelles narrées par les déclarantes, ont dévoilé quelques habitudes de séductions des vivarois de l’Ancien Régime : lors des foires et mêmes jusque dans les « sources des eaux minérales » à Vals. La séduction est une affaire dont les charges de responsabilité sont largement antagonistes. Les rôles des deux sexes sont bien distincts, jusque dans l’intimité, chacun continue la comédie ou la tragédie des amours.
Application de la justice dans le bas Vivarais : une évolution en faveur des séducteurs
Le Vivarais est une terre de frontière confessionnelle, l’application de la justice royale jusque dans le domaine des mœurs est assez évocatrice des tensions politiques. La peine pécuniaire la plus lourde est une amende, prononcée en 1683 contre un maître protestant de Genestelle, dénoncé par sa servante catholique.
Néanmoins, après la seconde moitié du XVIIIe siècle, les effets des procédures initiées sont moindres voir nuls : aucune déclaration de grossesse n’aboutit à une quelconque répression. Ce manque de résultat pourrait être attribué à la justice royale du Vivarais car elle ne dispose que de moyens à l’image de son territoire : très maigres. Par ailleurs, les mentalités des individus ont évolué face à la naissance d’un enfant hors mariage. La pression villageoise n’est plus aussi forte : les hommes sont désormais davantage enclins à délaisser leurs rejetons, comme en témoigne le taux grandissant d’enfants illégitimes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, aboutissant au concept de « fille-mère » à partir du XIXe siècle.
Lucie Valette, diplômée en master 1 d'histoire.
Consulter le mémoire de master 1 de Lucie Valette.