Baix, entre épidémie et port du masque

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C’est dans un document daté de 1520 et retrouvé dans le dépôt des archives de la commune de Baix, conservées aux Archives départementales, que la trace de l’épidémie de peste qui a touché la vallée du Rhône a pu être retrouvée. En ce 17 février 1520, le seigneur de Crussol réunit à Charmes les Etats du Vivarais dans un contexte troublé par la maladie et la violence, que ce seigneur entend condamner sévèrement. A cette date, Baix est un port rhodanien, particulièrement actif dans le commerce de la laine et du bétail ; la présence de ce document dans les archives de la commune témoigne sans doute des difficultés que le territoire a pu rencontrer, territoire de passage – un impôt est levé pour le passage du Rhône d’après ce texte – à la fois commercial et militaire. Il témoigne en outre d’une excellente conservation au fil des siècles !

Pour prévenir la diffusion de la maladie, les mesures adoptées visent avant tout à limiter les rassemblements : en raison en effet du « danger de peste qu’est en plusieurs parts audit pays, qu’il en sera tenu aucun marché ni foire durant deux mois pour éviter assemblées de gens ». Nous ne conservons pas de chiffres des dommages de cette peste de 1520, mais au cours du XVIe siècle, ces épidémies peuvent être violentes : on signale, en 1586 – année d’une peste très virulente en Vivarais – pas moins de 2 000 morts à Tournon (l’épidémie dépasse les seules frontières de notre actuel département et tuerait à Romans 12 000 personnes). Les déclenchements de peste sont réguliers dans la région tout au long de la période, à l’instar de Bourg-Saint-Andéol, frappé vers 1575, Viviers en 1583 puis Privas en 1592.

À la peste vient s’ajouter l’insécurité qui règne sur tout le Vivarais. A cette date, la France est en proie à une période de guerres continues depuis l’avènement de François Ier, cause d’une crise économique profonde. Les troupes parcourent le pays et créent une insécurité importante dans les campagnes, et ce, même en période de paix. Les points de passage que sont les ports sont alors d’autant plus en proie aux pillages et à l’indiscipline de ces hommes d’armes. Dans ce document, ils sont signalés comme des « vagabonds, larrons, meurtriers et pillards ». Comme Michel Riou le souligne dans Ardèche terre d’Histoire, en 1524, le Vivarais compte 3 000 soldats en garnison et est parcouru de brigands, souvent masqués. Le port du masque, loin d’être celui que l’on connaît aujourd’hui, sert en réalité aux brigands à dissimuler leur identité ; tout porteur de masque est ainsi désigné comme « suspects de crime ». Pour faire cesser les abus, ces accessoires, « faux visages et caretes autrement appelés masques », sont brulés et il est ordonné que par cri public, information soit faite à tous, de ne plus en user dorénavant.