Aux urnes citoyens : Raymond Bayle, un candidat perpétuel.

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Après chaque élection, les archives du bureau des élections de la préfecture sont versées aux Archives départementales. Listes électorales, tracts, professions de foi, affiches et procès-verbaux des votes que complètent les rapports du cabinet du préfet sur les pronostics et analyses des résultats : ces archives, de la Révolution à nos jours, témoignent de la vie démocratique. C’est au détour d'un classement qu'a été dévoilée l'histoire de Raymond Bayle, qualifié par la préfecture en 1920 de « candidat perpétuel ».

Ardéchois natif de Saint-Symphorien-de-Mahun et habitant Serrières, son nom apparaît une première fois aux élections législatives de 1902 où sa candidature, jugée fantaisiste, est refusée par la préfecture. Ce qui ne l'empêche pas de se présenter à d'autres élections dans le Nord-Ardèche, la Drôme et le Rhône et de recueillir quelques suffrages quand il parvient à imprimer ses bulletins de vote. Qualifié de « […] dément errant depuis plus de 10 ans, vivant de mendicité et de la vente de ses imprimés […] » d'après une lettre commune des maires de Vion et d'Arras datée de 1908, le caractère inoffensif de Raymond Bayle n'est pas de nature à inquiéter les autorités. Parmi ses propositions, parfois fantasques, il veut relier les communes du plateau ardéchois à la plaine par câble (téléphérique) ou les chauffer à la vapeur pour cultiver vignes et orangers... ou encore pour les routes, qu'il parcourt inlassablement, supprimer les montées. Innovation dans les professions de foi, la photo du candidat posant avec une pancarte à la main, « le vrai candidat… le v’là… ».  Se définissant comme un ouvrier et travailleur de la terre, il est le candidat du prolétariat, des commerçants, des employés et des petits propriétaires qui ont des fins de mois difficiles.

Le report des élections pendant le premier conflit mondial le fait oublier pour réapparaître aux scrutins municipal, cantonal, législatif et sénatorial en 1919 et 1920.

L’histoire pourrait prêter à sourire si elle ne se terminait tristement. Raymond Bayle ne se contente pas de l'Ardèche, il gagne fréquemment Paris pour se rendre devant l’Élysée, les ministères, le parlement où par sa loquacité, ses « ...costumes et industries bizarres... », il est repéré et brièvement interné à l'Infirmerie spéciale de la préfecture de police à plusieurs reprises. Perdant patience, le préfet de police de Paris, après l'examen médical qui confirme le délire mégalomaniaque du personnage, le fait interner en octobre 1920 à l’asile clinique Sainte-Anne. Il est transféré à l’hôpital Sainte-Marie à Privas peu après. Il proteste contre son internement, écrit au président de la République Alexandre Millerand. Octobre 1921, Raymond Bayle est reconnu guéri. Mais sans revenu et de santé précaire, usé par les années d'errance, il est admis au quartier spécial de Sainte-Marie réservé aux vieillards, infirmes et incurables où il décède en mars 1922.