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Le 16/04/2020 Actualités courantes

 

Les graines de vers à soie sont les œufs du bombyx du mûrier, papillon dont la chenille produit en tissant son cocon le légendaire fil. L’appellation de graines pour qualifier les œufs apparaît anciennement. Olivier de Serres l’utilise sans façon, sans la moindre interrogation, ce qui laisse supposer que l’usage en est déjà bien établi. Faut-il en chercher la raison dans l’antique croyance de l’origine végétale de la soie ? Lui-même la rapporte en tête de son Théâtre : « Virgile discourt comme en passant, de la riche toison que produisent les forests d’Ethiopie et des Seres » que d’autres comme Solin et Servius ont estimé être « la soye, et icelle procéder directement des arbres », croyance confirmée plus tardivement par Pline : « il y ad-joustoit qu’en l’isle de Coos, croissoient des cyprès, térébintes, fresnes et chesnes, des fueilles desquels arbres… naissoient des vers produisans la soye ».

 

Cette appellation sera reprise par ses multiples successeurs, discourant du XVIIe au XXe siècle sur l’art difficile d’élever, « d’éduquer » ces précieuses bestioles, de recueillir leurs graines qu’on ne manquera pas de faire couver. Certains auteurs de la fin du XIXe siècle répugnent visiblement à utiliser le mot graine et rétablissent la légitimité des œufs, probablement rattrapés par le courant scientiste. Cette assimilation sémantique reflète bien l’incroyable symbiose de l’animal et du végétal dans le cycle de production de la soie - alors même que l’utilisation du terme « éducation », loin de son origine latine, renvoie généralement au genre humain.

Il est vrai que tout simplement, ces œufs-là, ressemblent à s’y méprendre à certaines graines comme celles de la moutarde ou du pavot. En 1828, dans son Manuel pour l’éducation des vers à soie…, J.-M.-M. Rédarès ne manque pas d’avertir son lecteur du risque de tromperie, ce qui ne pouvait se produire dans la sérieuse et compétente maison Auzas.

 Boîte ronde en carton et papier de 10 cm de diamètre (non cotée)

 

Fondée en 1868 à Lachapelle-sous-Aubenas par Félicien Auzas (qui avait appris le métier de son père Antoine, sériciculteur-graineur dans les années 1830), elle pratique les méthodes préconisées par Pasteur après 1867 pour combattre les maladies du ver à soie dont l’ampleur au milieu du XIXe siècle ravage la sériciculture. En premier lieu, le grainage cellulaire : les œufs d’une seule femelle sont isolés sur un carré de tulle, la pondeuse étant placée dans un petit cône de papier, sorte de cellule. Son corps écrasé dans un mortier est examiné au microscope afin de détecter la maladie et de sélectionner les « bonnes » graines.

Cette boîte percée en est encore remplie : 30 grammes comme il est précisé sur l’étiquette intérieure, soit l’once traditionnelle plus ou moins quelques grammes selon les périodes et les lieux. La référence de race est devenue illisible. Sur le carré de fin tissu, au milieu des graines desséchées, s’agglutinent quelques minuscules coquilles vides des premiers vermisseaux trop tôt éclos et abandonnés à leur triste sort. Les œufs doivent en effet hiverner, non sans « tenir les graines bien étendues et aérées dans le sachet, entre 5 et 7 degrés Réaumur » avant de se faire couver au printemps suivant.

Parmi les premiers graineurs ardéchois cités par Hervé Ozil comme Nicod et Jacquemet-Bonnefond à Annonay, Lauriol et Escoffier à Vallon, Tourret à Ruoms, Deydier à Pont d’Aubenas, Vaschalde Fils aux Vans et d’autres, la Maison Auzas se maintient jusque dans les années 1970. Interviewé pour Télé 7 jours en 1979 (20 janvier, n° 973), Joseph Auzas dit pratiquer encore entre 200 et 300 études microscopiques. « Depuis une douzaine d’années, je ne suis plus un commerçant mais simplement producteur ».

Joseph Auzas fut le dernier graineur d’Ardèche.