Aux origines
Charles Forot a imaginé et créé une maison d'édition dans son village, Saint-Félicien, avec plus de 200 titres publiés de 1921 à 1958.
Expositions virtuelles
Dans le cadre du cinquantenaire de la mort de Charles Forot (1890-1973), les Archives départementales de l’Ardèche proposent une exposition intitulée Le Pigeonnier, Charles Forot, une maison d’édition ardéchoise. Maison d’édition majeure du XXe siècle en France, Le Pigeonnier a publié plus de 200 ouvrages de 1921 à 1958, sur ses terres de Saint-Félicien. Le choix des artistes, des auteurs, mais aussi des imprimeurs, des papiers, des graveurs, ont fait des éditions du Pigeonnier des œuvres très recherchées, dont la bibliothèque des Archives départementales possède la majeure partie.
Son fondateur, Charles Forot, né à Saint-Félicien, y a passé la plus grande partie de sa vie, dans sa maison familiale du Pigeonnier. Amateur de régionalisme, il a animé, pendant près de vingt ans, ce lieu décentralisé de culture, qui a notamment compté un théâtre amateur de plein-air, un des premiers en France, dans les années 1920. Fin connaisseur de littérature, de poésie, de théâtre, il a collaboré avec les grands noms de l’époque : Paul Valéry, Henri Pourrat, Marcel Gimond, Louis Pize, Jean Chièze, Rose Seguin-Béchetoille, Amélie Murat...
Après son décès, la veuve de Charles Forot a fait don de ses archives aux Archives départementales de l’Ardèche dont le classement a été réalisé par Dominique Dupraz, alors directeur des Archives départementales. Cet ensemble d’archives, conservé sous la cote 24 J, contient la très riche correspondance de Charles Forot, sur plus de cinquante années, des œuvres illustrées, des photographies, des projets d’édition réalisés ou non, mais aussi ses mémoires manuscrits. S’y trouvent aussi préservés des livres de bord, véritables œuvres artistiques, qui contiennent, à la façon d’un journal, des témoignages d’artistes, de comédiens, d’amis, d’hommes politiques et la mémoire de leurs séjours à Saint-Félicien et de la vie quotidienne au Pigeonnier dans les années 1930.
Le Pigeonnier est une histoire humaine, mais avant tout une histoire vivaroise et la preuve d’un attachement très fort au territoire, à découvrir au fil des pages.
Cette exposition existe sous une forme « itinérante » destinée à être prêtée sur demande.
Charles Forot a imaginé et créé une maison d'édition dans son village, Saint-Félicien, avec plus de 200 titres publiés de 1921 à 1958.
Charles Forot est un artisan, présent à chaque étape de la conception d'un ouvrage.
"Rien ne semble plus sympathique, plus sage, et en somme plus digne d’envie, que le mode de vivre et de produire que s’est fait dans son Vivarais Charles Forot.
Il y compose à loisirs de beaux vers ; il y ordonne des éditions toutes pures, simples, aimables, et les destine aux amants de ces qualités.
Il imprime ce qu’il aime ; il aime ce qu’il imprime. Il serait doux d’être lui."
Paul Valéry
La quasi-totalité des éditions du Pigeonnier est illustrée, avec, soit des dessins, soit des gravures sur bois ou sur métal. S’y ajoutent des ornements, culs de lampes, en pleine page ou insérés dans le texte. Des portraits des auteurs ornent souvent les livres. À l’occasion des Almanachs vivarois, Forot invite de nombreux illustrateurs à exercer leur talent.
Qu’ils soient Ardéchois, Lyonnais ou d’ailleurs, la richesse des éditions du Pigeonnier vient de la réunion de ces talents et de leur diversité. Dans les carnets de bord de Forot, on retrouve des centaines de dessins, caricatures, peintures, qui illustrent avec brio la mémoire des artistes ayant séjourné dans ce lieu créatif et joyeux où se mêlent littérature, poésie, comédie, musique.
Le poète, amateur d’art et éditeur, va publier de nombreuses femmes qu’il admire, des textes de dix-neuf autrices et proposer à huit graveuses d’illustrer ses ouvrages.
D’autres femmes sont, au cours des années, mises à l’honneur par les éditions du Pigeonnier : Aliette Audra, Thérèse Baud, Ginette Bonvalet, Elisabeth Borione, Anne-Marie Corre-Mordacq, Marguerite Fénéon-Labrelly, Yvonne Ferrand-Weyher, Anne-Maire Goulinat, Jeanne Lenglin, Thérèse G.-Martin-Philip, Luce Oberty, Anne-Marie Oddo, Suzanne Renaud, Violette Rieder, Marcelle Vérité. Parmi les illustratrices, on compte aussi : Frédérique Charlaix, Marianne Clouzot, Marcelle Curandi, Marie Granger, Madame Favrot-Houllevigne, Elisabeth Ivanowski, Marcelle Kuntz.
Dès les premières années d’activité, la poésie trouve une place de choix dans la ligne éditoriale de la maison du Pigeonnier. La collection « Les Poètes du Pigeonnier » suit immédiatement la collection-mère « Collection du Pigeonnier » et permet, entre 1922 et 1931, la publication de seize volumes. Le premier recueil publié aux « Poètes du Pigeonnier » illustre, de nouveau, le talent de Charles Forot pour découvrir des artistes encore méconnus, puisqu’il s’agit du premier ouvrage de Suzanne Renaud, Ta vie est là, une poétesse grenobloise présentée à l’éditeur par l’abbé Genet. Dès leurs premiers échanges, Charles Forot est convaincu du talent de Renaud et il écrit : « Ses vers étaient excellents, d’une fermeté rare chez une femme. »
« Par un beau soir d’août [1924] Henri Ghéon et Jacques Reynaud sont avec moi sur la terrasse du Pigeonnier devant les balcons enlacés de verdures et les escaliers qui y mènent. Le premier se retourne vers moi et clignant un peu de l’œil : « quel magnifique cadre naturel ! Pourquoi n’y jouerait-on pas ?
- J’y songeais, lui répondis-je mais les éditions ne me laissent pas le temps. » Alors Jacques Reynaud de répliquer : « si tu veux je me charge de la mise en scène. »
Comme dans une pièce, voici le prologue du théâtre du Pigeonnier. Comment Charles Forot, passionné de représentations, lui qui en a tant vu à Paris et qui côtoie tant d’amateurs et de professionnels des planches aurait-il pu échapper à la scène ? Tout l’y conduit. D’abord le cadre, cette fameuse terrasse derrière la maison construite par le grand-père de Forot, comme un amphithéâtre avec vue sur la vallée. Ensuite, ce vœu de décentralisation et de démocratisation de la culture qui meut son œuvre : « sur cette scène naturelle, faire connaitre au peuple de nos campagnes les grands classiques. ». Et bien-sûr, le régionalisme mis en scène en créant « un répertoire rhodanien sinon vivarois par les thèmes et les auteurs. »
Achevé d’imprimer sous la direction de M. Charles Forot le 19 mars 1944, fête de Saint Joseph, patron de la bonne mort, qu’il nous assiste ! avec le visa et l’autorisation de la censure n°8773, parmi les difficultés de l’heure, sur les presses de l’imprimerie Habauzit et Cie, directrice Madame W. Le Gonidec, à Aubenas.