Les chauffeurs de la Drôme et l'Ardèche

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Le 22 septembre 1909, Octave Louis David, Pierre Augustin Louis Berruyer et Urbain Célestin Liottard sont guillotinés face à l’entrée de la maison d’arrêt de Valence devant une foule de près de 2 000 personnes : ce sont les « chauffeurs de la Drôme » connus pour leur pratique barbare qui consiste à torturer leurs victimes en faisant « rôtir » leurs pieds pour les forcer à dévoiler la cachette de leurs économies.

Jean Lamarque, le quatrième larron, en fuite, échappe dans un premier temps à la justice. Arrêté à Nîmes le 1er avril 1910, jugé à nouveau du 20 au 23 juillet, condamné à mort, il a sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité en novembre 1910, par la grâce présidentielle d’Armand Fallières, qui était pour l'abolition de la peine de mort.

Les chauffeurs de la Drôme ont marqué l’histoire de notre région par l’ampleur et la sauvagerie de leurs crimes parmi lesquels de nombreux vols, meurtres avec tortures, casse-croûtes pris à côté de victimes agonisantes. Ils agissent toujours de nuit et reprennent leurs activités professionnelles, de cordonnier ou de maçon, le jour. L’appât du gain est le motif de leurs crimes : poules, vin, linge de maison, bijoux, montres, vaisselle et de l’argent s’il y en a. Ils volent tout ce dont ils ont besoin ou revendent le reste.

L’affaire commence dans la Drôme en 1905 avec l’assassinat de François Vaneille, 80 ans, pour un maigre butin de 7,50 francs ; son corps est découvert, la tête à moitié brûlée dans la cheminée. En 1907, ils alternent meurtres, agressions et vols ; les victimes sont Chabert, Auguste Roux, et comble de l’horreur, Frédéric Tardy est retrouvé le crâne fracassé, Jean Malbouret les pieds brûlés et mort étouffé, Eugène Girard assassiné sur la route par strangulation (le butin est faramineux : 3000 francs-or ! C’est la plus grosse somme que la bande arrivera à soustraire...). En 1908, François et Julie Tortel, deux octogénaires, sont tués cruellement puis brûlés. Jean Dorier et sa fille Elisabeth sont attaqués à leur domicile, la fille est matraquée et tuée à coups de talons dans la poitrine, le père a le crâne fracassé ; furieux de ne pas avoir retrouvé la cagnotte de 1000 francs, Berruyer mutile le corps d’Elisabeth.

Le dossier de cour d’assises des chauffeurs est conservé aux Archives départementales de la Drôme sous les cotes 2 U 1046 à 1059 ; le Fonds Rey 1 Mi 393 comprend de nombreuses photographies du procès.

Le dossier n° 4888 de la liasse 2 U 208 des Archives départementales de l’Ardèche concerne un dossier de procédure pour vols qualifiés commis par les « chauffeurs » en 1908 à Tournon : vol avec effraction au préjudice de Louis Deschanels, dans la nuit du 17 au 18 juin et vol de plusieurs objets mobiliers au préjudice de Henri Laboissière du 11 juin au 10 juillet. Ce dossier comporte toutes les pièces de l’instruction de juillet à octobre 1908 dont le plan des lieux annexé au procès-verbal de transport, photographie de Liottard).

Les vols concernent du vin, du champagne, divers objets (canne, porte-carte, veilleuse empire…), du linge et plusieurs matelas de laine (voir la liste et les échantillons d’objets volés).

Liottard et Berruyer soupçonnés de vols et reventes de matelas à Tournon, sont arrêtés les 28 juillet et 4 septembre 1908. Ils vont rester à la maison d’arrêt de Tournon jusqu’au 23 décembre, date de leur transfert à Valence[1]. Cette arrestation marque la fin de la bande et de l'entente. En effet, Liottard et Berruyer dénoncent David comme complice de vol, alors qu'il est en fuite dans la région lyonnaise.

Lamarque s'échappe en direction de Bordeaux le 26 juillet, prévenu des activités de la police. La maison de Berruyer est perquisitionnée, sa femme arrêtée pour complicité. Les hommes gardent le silence sur leurs meurtres. David est finalement arrêté à Saint-Jean-les-Vignes (Rhône) le 10 septembre 1908 et emprisonné à Tournon.

Les hommes reconnaissent les vols, mais rien sur les meurtres. Les juges et procureurs piétinent et c'est un détective, Elis Golbert, qui obtient de David une confession le 3 octobre à la prison de Tournon. Ses complices vont avouer par la suite.

Le parquet de l'Ardèche va se dessaisir du dossier au profit du Parquet de la Drôme. D'octobre 1908 à mars 1909, le dossier d'accusation est monté par le procureur Roux et le juge Ichard, des reconstitutions organisées. Les protagonistes sont jugés lors d'un procès qui attire les foules et dure du 2 au 10 juillet. La demande d’appel est rejetée comme la demande de grâce. Ils sont exécutés le 22 septembre 1909. Leur corps sont enterrés au cimetière de Valence, dans un carré dédié, sans croix ni nom sur leur tombe.

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[1] Registre d’écrou, Archives Départementales de l’Ardèche 2 Y 187 : Liottard a pour écrou le n° 232 ; Berruyer a pour écrou le n° 246